Voilà déjà un petit moment que j'ai fini ce livre (la version intégrale chez Lunes d'encre) et que je repousse le moment de faire cette critique parce que je ne sais pas par quel bout la prendre. Je dois reconnaître qu'à part en lisant des anthologies (avouons que ça n'a vraiment rien à voir !) il m'est rarement arrivé en lisant un livre d'être aussi enthousiasmée parfois et blasée quelques pages plus loin.
J'ai eu un peu de mal à accrocher au début, ensuite, j'ai été emballée par la première moitié de "Fondation" (l'équivalent du tome 1) puis la deuxième moitié, bof. Je me suis prodigieusement ennuyée durant la partie avec Bel Riose dans le "tome 2" et j'ai adoré ensuite celle avec le Mulet. Le troisième tome a été plus constant. J'ai beaucoup aimé la première partie (la quête du Mulet) et assez bien accroché (même si moins) à la deuxième avec Arkady.
En bref, Fondation, c'est plusieurs histoires dans l'histoire et si le niveau de style reste constant, l'intérêt scénaristique l'est beaucoup moins (à mon goût, bien sûr).
La principale qualité de ce livre réside selon moi dans l'intelligence de son auteur et sa capacité à manier les révélations à rebondissements.
Le principal défaut en découle, c'est-à-dire que j'ai l'impression parfois que pour servir son histoire, l'auteur rend les personnages fades et mous, voire totalement inactifs. On me répondra que ce n'est pas toujours le cas et je suis bien d'accord. Ce sont les histoires où les personnages agissent et font preuve de talent personnel qui m'ont le plus accrochée. Et surtout le personnage d'Hardin ! Après lui, je dois reconnaître que tous les autres m'ont paru fadasses.
Autre défaut : les spoilers intégrés dans les petits extraits de L'Encyclopedia Galactica au début de chaque chapitre. Pour peu qu'on lise un peu entre les lignes, on peut en déduire beaucoup sur la fin du chapitre. En général, c'est cet aspect "tout est joué" qui m'a souvent gâché le plaisir (mais je développerai davantage dans la partie "avec spoilers").
En résumé, l'idée de Fondation m'est apparue (du haut de ma maigre expérience en SF) comme très originale et très bien développée. C'est la trame narrative qui m'a moins accrochée. Néanmoins, je conseillerais ce livre à tout lecteur éventuel. Il vaut vraiment la peine de s'en faire une opinion soi-même.
Mon avis avec Spoilers, maintenant :
Il y a beaucoup de choses que je ne peux pas dire sans prendre le risque d'en révéler trop à ceux qui n'auraient pas lu ce livre. Je préviens donc les aimables lecteurs : à partir de maintenant, plus de précautions particulières. Cette partie s'adresse davantage aux gens qui ont eux-mêmes lu l'oeuvre pour partager mon opinion avec eux (voire à ceux qui ne l'on pas lue et ne comptent pas le faire, mais qui seront contents de pouvoir faire semblant en lisant ces lignes).
Les spoilers de l'Encyclopédie : S'il y a une chose que j'apprécie dans un livre c'est qu'il y ait des révélations et surtout qu'on m'ait donné assez d'indices au fur et à mesure pour deviner le fin mot de l'histoire. Un petit reliquat de vanité sans doute, mais j'aime bien me triturer les méninges et anticiper le scénario. Ça a été un vrai plaisir de me consacrer à ce sport dans Fondation, avec une efficacité dont je suis assez fière. Hélas, s'il y a une chose que je n'aime pas c'est qu'on me prive de ma "victoire" en me mâchant le travail. Par exemple, j'ai découvert l'emplacement de la seconde Fondation très tôt dans l'histoire (bien que j'aie eu un doute avec l'autre possibilité évoquée par Darell à la fin de l'histoire) et j'ai apprécié de ne pas m'être trompée. En ce qui concerne le Mulet, par contre, j'ai été spoliée (et spoilée) de cette révélation dès qu'on annonce (en tout début d'histoire) que seule une jeune épouse a pu faire des révélations sur le Mulet. J'ai deviné de qui il s'agissait dès sa première apparition et au fil de l'histoire en lisant selon cette hypothèse, tout s'est enchaîné logiquement. Aurais-je pensé la même chose sans ce petit extrait d'encyclopédie ? Je ne sais pas et c'est ça qui me frustre.
De la même façon quand on annonce que la bataille de Quoriston fut la dernière bataille de l'Interrègne, on annonce presque que le plan Seldon va réussir. Parce qu'on a dû mal à croire ensuite au scénario d'une ère barbare pendant 30 000 ans qui ne donnerait lieu à aucune grande bataille (on pourrait me répondre que la période barbare étant privée de technologie les batailles seront forcément de moins grande ampleur, mais il en faudrait bien quelques-unes sur la fin pour assoir le nouvel empereur).
Donc voilà, tous ces éléments (ce ne sont que des exemples) m'ont un peu volé mon plaisir de lecture. Mais une fois de plus, il s'agit de mes goûts et de ce que j'aime trouver dans un livre. J'ai été d'autant plus déçue qu'il y avait les révélations et les cohérences nécessaires pour me donner exactement ce que j'aurais voulu et qu'un simple détail m'en a parfois privée.
Plus ennuyeux, l'alternance entre les personnages actifs et les personnages contemplatifs qui, pendant ma lecture m'a donné l'impression de tendre vers l'incohérence.
Les premières crises du plan Seldon sont censées avoir le pourcentage d'échec le plus faible. Or, il est montré que dans la situation que traverse Hardin personne ne soutient ses choix. C'est sur l'intelligence et le sang-froid d'un seul homme que repose la réussite du plan à deux reprises. Sachant que le Plan ne peut pas prendre en compte les individus, je trouve ça assez étrange. On résume cela par le fait qu'il n'a rien fait... Sauf bidouiller le vaisseau qu'il répare, aller sur Anacréon pour faire peser ses menaces, etc... Plein de petites actions qui mises bout à bout forment la trame générale. Un seul faux-pas et le Plan tombait.
Admettons que le Plan se soit basé sur le fait qu'il existe toujours des hommes intelligents et ambitieux, encore fallait-il qu'il y en ait un à la Mairie à ce moment-là précis et qu'il ne meurt pas d'un accident de la route pour être remplacé par son secrétaire qui avait beaucoup moins de sang-froid.
Plus tard par contre, le crise de Bel Riose se résout d'elle-même parce que tout revenait à dire qu'il ne pouvait pas en être autrement. Où est donc la situation de crise dont la sortie était censée être de plus en plus délicate ? Sans compter que le comportement de Bel Riose lui-même manque souvent de cohérence. Prendre par exemple un ennemi du régime comme conseiller principal, et surtout lui confier un prisonnier un peu louche... Moui, sans doute pour les surveiller avec des micros. On me dira que Bel Riose ignorait l'existence de dispositif de contre-espionnage (puis que l'Empire est en retard) mais je le trouve quand même bien naïf pour un grand général. Et tout ça au final pour quoi ? Rien. Cela ne sert même pas le scénario puisque la solution vient d'ailleurs.
Bon, je comprends le principe mathématique qui préside au scénario. Le taux d'échec croît de façon exponentiel puisque les très légères déviations du départ entraînent de gros écarts au final. Ce sur quoi je suis plus sceptique, c'est le taux de départ. Le personnage d'Hardin est pour moi un individu trop brillant pour que le Plan ait reposé sur lui dès le départ. Et voir son action résumée à "il n'a rien fait, le Plan se déroule tout seul" m'a gonflée. Alors le fait que l'auteur donne raison à ceux qui pensaient ainsi en faisant en effet que l'histoire de Bel Riose se résout d'elle-même ne m'a pas accrochée. Bon, là s'ajoute peut-être l'intervention invisible de la seconde fondation, mais le fait est que, sur le coup, ça m'a frustrée et lire 300 pages de personnages qui assistent à l'histoire sans la modifier pour en avoir ensuite seulement une possible explication, ce n'est pas mon truc.
Au final, je ne suis pas sûre qu'on puisse parler d'incohérences, c'est une fois encore plutôt le mode narratif qui n'est pas mon préféré. Comme si l'intelligence d'Hari Seldon (et à travers lui, de l'auteur) écrasait un peu tous les autres personnages en les réduisant au rang de témoins.
Mais au final, une lecture très agréable tout de même et un roman que je suis contente d'avoir lu. Ne serait-ce que pour la toute dernière révélation (les derniers mots en fait) que je n'avais pas vue venir et qui m'a beaucoup plu.